Une récente anecdote lors d'un de mes derniers travaux de commande en photo d'architecture m'a amené à réfléchir sur la représentation photographique, et au fait que
nous attribuons souvent à la photo ce caractère de « réalité ».
J’étais avec un client au pied du bâtiment que j'étais chargé de photographier. A cet endroit une structure architecturale pouvant évoquer une voile. Regardant vers le haut de la construction et les bras écartés l’architecte me dit; « il faudrait prendre ça en gardant cette impression d'envol ». J'ai donc réalisé une prise de vue en forte contre plongée à l'aide d'un objectif à angle de champs très large. Puis à l'aide de Photoshop j'ai déformé la photo pour rendre parallèles les images des lignes verticales. Cette opération que nous faisons maintenant avec l’ informatique était il y a peu de temps encore réalisée directement à la prise de vue à l'aide d'un dispositif de « décentrement ». Mais en « corrigeant » ce que nous nommons intuitivement et de manière erronée des « déformations », nous modifions toutes les formes géométriques de l‘image de départ. Et l'on accentue notamment les profils du haut des constructions. Bien que très différentes de nos perceptions visuelles, les images que nous obtenons sont flatteuses et satisfont en général les architectes parce qu‘elles donnent une impression de hauteur plus importante (que nos perceptions), et de là, confèrent aux bâtiments un aspect majestueux. Mais ici mon client estima que sur la photo, la forme de la structure architecturale était trop différente de la réalité. Nous avons eu ensuite un entretient au cours duquel, et incidemment, je précisais que l’image photographique n'était pas la réalité mais sa représentation sur un plan, et qu’il nous appartenais de la faire telle que nous voulions qu’elle soit, et en gardant bien à l’esprit que toute représentation graphique, et même la représentation photographique, n’est jamais une copie fidèle de la réalité. D’une manière générale la représentation graphique sur un plan d’un élément (de réalité) non plan ne peut être sa reproduction exacte. Et différentes manières ou techniques, donneront des représentations différentes. Ainsi et par exemple les planisphères qui sont des représentations planes des continents peuvent être obtenues par différentes techniques de projection. Mais il serait erroné de considérer une de ces représentations comme exacte au contraire des autres considérées comme inexactes. Si la projection Mercator est la plus utilisée ce n’est que parce que c’est celle qui nous satisfait le mieux. Dans le cas de la projection photographique, au-delà du problème de la représentation des volumes, il y a celui de la non représentation d’un grand nombre d’éléments parce que « cachés ». Ainsi selon la combinaison de l’angle et de la distance nous feront apparaître ou non telle ou telle chose. De même la photographie ne rend compte que de la surface des choses. J'imagine que la plupart des photographes « savent » (intuitivement) cela. Mais si l’on pratique la photographie, ou que l’on « reçoit » les images photographiques sans en être parfaitement conscient, c’est-à-dire que l’on croit à la « réalité » des photographies, on est alors dans une démarche , dans une logique d’illusion, de subjectivité et/ou de partialité… GG - 02/04/07 - Copyright |