Au cours d’une de mes visites au laboratoire photographique professionnel Color Space Lab (ex « Agenda » ) nous échangions avec le responsable sur quelques sujets.
La conversation en était à la photo argentique comparée à la technique numérique actuelle. A propos de la pratique du tirage manuel noir et blanc, il me dit ; « lorsque l’on tirait et développait, il y avait le plaisir de voir apparaître l’image dans la bac de révélateur, il y avait l’ambiance du « labo » avec les odeur des produits, et la lumière rouge… Il y avait quelque
chose de magique… » . Car c’était en effet un contact avec toutes les « choses matérielles » qui participait et augmentait considérablement le plaisir de la pratique elle-même de la photo.
En continuant la conversation nous énumérions les rituels jalonnant la démarche de la photo argentique « professionnelle »; aller au « labo », repasser prendre ses
« Ektas », discuter avec les techniciens, puis regarder ses photos sur la table lumineuse, les triller, les mettre en planche etc. Il y avait aussi le matériel ; plus gros,
plus lourd, plus de choses… Ce matériel participait aussi au plaisir. On s’identifiait aussi à des images de professionnels de renom. Là, je me souviens de mes débuts où,
lorsque nous « couvrions » des événements d’actualité sociale, nous arborions deux boîtiers Nikon F devant et accrochés autour du cou ainsi que la tenue décontractée
conforme (comme les deux Nikon) à l'« image » du reporter-photographe de l’époque. Je me souviens aussi, beaucoup plus avant, et lors de réunion de club photo
(j’étais encore au lycée) de discussions passionnées sur le matériel photo, et de l’importance que cela pouvait avoir pour nous. Enfin, je me rappelait d’une chose qui
m’avait « interpellé », beaucoup plus récemment et à l’occasion et de cours de photo dispensés en école privée à Paris. J’avais alors des classes de jeunes n’ayant
que faire des connaissances (techniques) en photo, et qui ne se privaient pas de le montrer. Nous avions un minuscule réduit aménagé en laboratoire de tirage noir et blanc,
et les séances dans ce mini-labo étaient le seul moment où ces jeunes
habituellement désintéressés et indisciplinés, se trouvaient alors brusquement à l’écoute et prenaient visiblement plaisir à ces manipulations.
En bref; la technique numérique d’aujourd’hui, malgré une qualité des images et une rapidité d’exécution supérieure, ainsi que le décuplement des possibilités, est loin de donner le plaisir que nous procurait la pratique « argentique » de par tout ce côté « matériel » et rituel. Et je ne peux m’empêcher de penser que sur ce point le domaine de la photographie n’est pas unique. En effet et notamment, l’attachement affectif aux éléments matériels jouxtant les choses que l’on aime, et lorsque nous sommes dans le domaine de la sexualité et de l’amour, ressemble à ce que l'on nomme « fétichisme » (1). Il permet de décupler l’attirance entre les êtres identifiés chacun à leur modèle respectif (2)… Aujourd’hui, j’ai un certain regret de ce que nous avons perdu avec « l’argentique ». Mais mon goût pour la technologie et l’aisance de travail gagnée « en numérique » rend minime ce regret. Concernant les femmes, c’est autre chose. J’ai été (dans les années 60) un enfant rêveur et fasciné au-delà de tout par les femmes (la première ayant classiquement été ma première « maîtresse » d’école) et en permanence secrètement amoureux. Aujourd hui, l’« évolution » des comportements et du mode vestimentaire participe l’appauvrissement des rapports amoureux. Et le port systématique du jeans (par les femmes) est le triste symbole de la féminité perdue. GG - 18/11/2008 - Copyright |